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La procédure prud’homale face à la crise sanitaire…


…ou comment continuer à accompagner les cadres dans un contexte d’immobilisme judiciaire ?

Période de confinement rime avec situation exceptionnelle, car inédite, mais également avec fermeture des juridictions sauf « pour les contentieux essentiels ». Cette fermeture, qui est une première, suscite beaucoup d’inquiétudes, de questions : comment les juridictions vont-elles gérer la reprise de leur activité qui interviendrait, au mieux, à compter du mois de juin, selon la Présidente du CNB ? Quid de la gestion des contentieux suspendus du fait de la crise sanitaire ?

Il faut anticiper maintenant la « thrombose » future de la justice !

Les juridictions vont devoir se réorganiser, ce qui va prendre du temps – temps que les entreprises, les salariés, n’auront pas – et disposer nécessitera des moyens supplémentaires que la justice n’a pas.

Pour ne parler que de la justice prud’homale, cette situation est particulièrement préoccupante lorsqu’on connaît les délais actuels pour juger une affaire devant certains Conseils de prud’hommes. Selon que le conseil de prud’hommes compétent fonctionne bien ou non, il attendra moins de six mois ou près de deux ans pour que son affaire soit traitée. Un délai plus long que pour toutes les autres juridictions de première instance qui résulte, d’une part, d’un nombre constant de saisines et, d’autre part, d’une diminution du nombre de greffiers et des moyens alloués…

Dans cette situation d’urgence, il va falloir réfléchir, trouver des solutions pour ne pas augmenter la charge de cette juridiction, tout en accompagnant au mieux les entreprises et les salariés en proie à un litige qu’il leur faut résoudre « rapidement », pour éviter que celui-ci ne s’enlise, n’entrave la reprise d’activité et la carrière de chacun.

A ce titre, la médiation et la procédure participative trouvent toute leur place, en ce qu’elles peuvent être utilisées, par tous, pendant le temps de la procédure (ce qui n’est pas le cas du processus collaboratif qui ne peut être menée que par des avocats formés et hors procédure judiciaire).

La médiation et la procédure participative, toutes deux régies par le code civil et le code de procédure civile, se distinguent principalement par le fait que la première nécessite l’intervention d’un tiers, neutre, indépendant et impartial : le médiateur, et la seconde est menée par les avocats, avec leurs clients respectifs.

La médiation à l’heure du confinement !

La médiation est un processus (et non une procédure) structuré par lequel les parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leur litige avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles (médiation conventionnelle) ou désigné avec leur accord par le juge saisi du litige (médiation judiciaire).

Le processus de médiation (conventionnel ou judiciaire) est mené par un médiateur (ou plusieurs en cas de co-médiation) qui répond à des conditions d’honorabilité et de formation, telles que fixées par le Code de procédure civile.

Le médiateur, qui peut être avocat, est neutre, impartial, indépendant et ne dispose pas de pouvoirs décisionnel ou consultatif. Tenu, comme les parties, à la confidentialité, il respecte l’éthique et un code de déontologie. Le médaiteur est rémunéré au temps passé et/ou en considération des revenus des parties (sachant qu’une médiation dure en moyenne moins de 10 heures, ou en fonction d’un barème fixé par le juge si la médiation estjudiciaire. Les parties peuvent s’entendre sur la prise en charge et/ou la répartition du coût de la médiation, .

La médiation peut être utilisée à tout moment : avant la saisine de la juridiction ou dans le temps de la procédure.

La médiation repose sur la liberté des parties : tout comme elles décident d’entrer en médiation, les parties sont libres d’y mettre fin quand elles le souhaitent, avant même le terme de la mission confiée au médiateur. La durée de la mission confiée au médiateur est, dans une médiation conventionnelle, fixée par les parties dans l’accor dde médiation, et dans une médiation judiciaire de 3 mois, renouvelable une fois par le juge.

La médiation est confidentielle : Tous les échanges qui ont lieu durant le processus sont couverts par la confidentialité. Ce qui est dit pendant la médiation reste dans la médiation, et ce même si la médiation n’aboutit pas. Aucune des parties ne pourra s’en prévaloir que ce soit dans le cadre d’un futur contentieux ou dans le cadre du contentieux en cours. Ce principe de confidentialité s’impose au médiateur plus particulièrement dans la médiation judiciaire, puisqu’il ne peut échanger avec le juge sur le contenu de la médiation. Les seules informations transmises consistent à indiquer si la médiation a, ou non, réussi.

Aisée à mettre en place, limitée dans le temps, elle permet d’éviter l’aléa judiciaire (qui comprend l’aléa des décisions, des coûts et des délais) dès lors que ce sont les parties qui, avec l’aide du médiateur et de leur avocat, cherchent la solution satisfaisante pour chacune d’elles.

L’accord trouvé par les parties est rédigé par les avocats, garants juridiques, qui ont accompagné leur client tout au long du processus, et peut être homologué par la juridiction prud’homale si les parties le souhaitent. Si aucun accord n’est trouvé, la procédure reprend son cours normalement.

Ainsi donc, la médiation peut s’inscrire aisément dans la procédure prud’homale, que ce soit avant l’audience du bureau de conciliation et d’orientation, ou entre l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et l’audience de jugement, ou encore devant la Cour d’appel, et ce, sans alourdir la charge de travail de ces juridictions, car les parties, ayant trouvé un accord, se désisteront.

Cela étant, pour que ce processus trouve toute sa place dans ce type de contentieux, encore faut-il que l’accord intervenu, s’il est financier, puisse faire l’objet d’un Procès-verbal de conciliation entérinant le règlement d’une indemnité forfaitaire de conciliation, plus avantageuse pour les salariés, dont font partie les cadres. Cela limite son champ d’intervention, dès que seul le bureau de conciliation et d’orientation et le bureau de jugement s’il accepter de se transformer en bureau de conciliation et d’orientation, peuvent dresser un PV de conciliation.

La procédure participative dans l’intérêt des parties et du juge prud’homal :

La procédure participative présente un intérêt en ce qu’elle est l’un des seuls modes de règlement amiable qui intègre la recherche de l’amiable à la procédure.

En effet, depuis la Loi du 23 Mars 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, la procédure participative peut poursuivre deux objectifs (qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre) : résoudre amiablement un différend et/ou mettre en état le litige pendant devant une juridiction.

Cette procédure permet aux parties de se réapproprier leur entier litige puisqu’assistées de leurs avocats, elles définissent elles-mêmes une méthodologie de travail, un calendrier de communication de leurs pièces et écritures en fonction des spécificités de leur dossier, et la possibilité de recourir à un technicien sur les questions de fait dont dépend la solution du litige, de consigner les auditions des parties, les déclarations de témoins….

Par le biais d’une convention de procédure participative de mise en état rédigée par les avocats, les parties définissent ensemble l’objet du litige et les points de droit sur lesquels elles entendent limiter le débat.

Cette procédure de « mise en état privée », basée sur la bonne foi des parties, reste un mode amiable de résolution des litiges dès lors que le fait pour les parties de se mettre d’accord pour la mise en œuvre de la mise en état peut les inciter à parvenir à des accords sur le fond, avec l’intervention ou non d’un médiateur.

Une fois la procédure mise en état réalisée, le juge est appelé à trancher les différends subsistant entre les parties. La Loi du 23 mars 2019 est venue préciser qu’il appartenait au juge de fixer l’affaire pour plaider « à bref délai ». Si les parties sont parvenues à trouver une solution amiable à leur différend, l’affaire n’a pas vocation à être jugée, l’accord intervenu pouvant être simplement homologué.

Cette procédure mise en œuvre jusqu’à présent principalement en matière familiale, trouve sa place devant les juridictions prud’homales puisque la loi susvisée l’a précisé : cette procédure peut être utilisée devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire et à tout moment de l’instance.

Elle pourrait trouver sa place, entre la saisine de la juridiction et l’audience du bureau de conciliation et d’orientation, tant les délais sont parfois long pour les justiciables. Les parties se présenteraient à l’audience de conciliation et d’orientation avec un dossier en état, et éventuellement en accord total ou partiel sur le litige qui les oppose.

En cas d’accord total, les parties auraient alors la possibilité de faire entériner une indemnité forfaitaire de conciliation à l’audience. Et en cas d’accord partiel, les parties feraient entériner l’accord intervenu et les conseillers auraient alors à jouer leur rôle de conciliateur sur les différends subsistant. En cas d’échec de conciliation, l’affaire pourrait être appelée en audience de jugement fixée « à bref délai », le dossier étant en état d’être jugé.

Reste la question de savoir si les Conseils de prud’hommes ont la possibilité de fixer des audiences de jugement « à bref délai » à l’issue des audiences de conciliation et d’orientation, rien n’est moins sûr.

En utilisant les modes amiables, les parties n’auraient plus à subir le temps de la procédure mais au contraire en tirerait profit pour « avancer », voire solutionner tout ou partie de leur différend, et les juridictions en tireraient également un bénéfice indéniable sans qu’elles soient privées de leurs prérogatives.  

Le rôle de l’avocat, en tant que professionnel du droit et du contentieux, est ici déterminant puisqu’il est le seul à pouvoir conseiller utilement dans le cadre d’une procédure judiciaire et dans un processus/procédure amiable, et à pouvoir agir de manière complémentaire sur les deux terrains.